En dépit d’un contexte économique et budgétaire décourageant, tant au plan national que territorial, la commune poursuit son chemin et prépare l’avenir avec confiance et sérénité.

Joseph Galletti, vous êtes maire depuis trente ans. Comment cette fonction a-t-elle évolué dans les responsabilités comme dans les relations avec la population ? 



Depuis trente ans, la rigueur administrative est toujours d’actualité à la différence notable que les directives se multiplient aussi bien à Bruxelles qu’à Paris et compliquent singulièrement les démarches.

Pour information, la commune s’est assurée depuis 1996 d’un appui juridique très compétent, ce qui lui a valu de la part de la Chambre des Comptes de Corse la reconnaissance d’une « gestion de bon père de famille ». 
Au niveau de la population, nous sommes passés de 2 500 à 8 000 habitants et forcément, les relations avec la population se sont malheureusement distendues.

Malgré tout, nous essayons de conforter le lien au travers de nos services de proximité.

Des initiatives seront prises dans ce sens ? 



Nous avions l’intention d’organiser des réunions de quartier régulières mais vu l’expansion soutenue de la commune, il nous a fallu faire des choix et nous consacrer à la gestion des dossiers. 

Le numérique est devenu un atout non négligeable d’autant plus que nous avons obtenu de la Collectivité de Corse l’installation de la fibre sur tout le territoire.

Ainsi nous avons pu mettre à disposition de notre population un site* très suivi, un attrait confirmé par un nombre toujours plus croissant d’inscriptions. Mais comme rien ne vaut le contact humain, nous prévoyons dans le courant de l’année 2025 de programmer les réunions de quartier.

Le développement démographique et économique est-il encore possible pour une commune de la taille de Lucciana et dans une configuration où, vous l’avez dit, les lois et les contraintes s’enchevêtrent ? 



La commune de Lucciana est détentrice d’un PLU qui fonctionne correctement et dont la révision est prescrite depuis plusieurs mois.**

Ce PLU a permis le développement non seulement démographique mais aussi industriel, commerces, services et autres équipements structurants. Le territoire de Lucciana est unanimement reconnu comme la plateforme routière et ferroviaire la plus importante de Corse et, à ce titre, bénéficie de l’attention des instances de l’État.

Le PADD*** que nous allons produire dans le courant de l’année 2025 fera le constat de ce développement qui intéresse tous les secteurs d’activité et surtout démontrera l’intérêt de préserver les zonages constructibles et d’en ajouter d’autres, en particulier les zonages UI**** qui fixent les populations grâce à leurs capacités d’emplois.

Est-il difficile de maintenir ce que réclament prioritairement les habitants, des services de proximité ?

Nous sommes plus dans une tendance de développement de services de proximité que de récession.

Cependant, nous restons vigilants et nous souhaitons favoriser lors de futurs programmes immobiliers le regroupement de services tant en matière d’administration que d’ingénierie et de soins médicaux.

L’État comme la Collectivité de Corse sont en grande difficulté budgétaire. Peut-on encore compter sur leur soutien pour mener à bien des projets ?

Il faudra probablement revoir les ambitions communales à la baisse.Cependant, il nous faut plus que jamais porter nos projets à un stade opérationnel de manière à profiter de la moindre opportunité de financement aussi bien au niveau de l’État que de la Collectivité de Corse.

Dénoncez-vous avec d’autres maires le fait que les collectivités doivent serrer la ceinture pour pallier aux dérapages de l’État ?

La commune gère un budget inférieur à 40 millions d’euros et elle n’est donc pas concernée pour l’instant.

Le principal obstacle n’est-il pas dans les pesanteurs administratives malgré les promesses réitérées mais non tenues du choc de la simplification ?

La commune de Lucciana a la capacité d’auto financement qui lui permet de solliciter l’appui technique de prestataires compétents pour pallier les difficultés liées à ces pesanteurs et autres excès administratifs.

Cela se traduit par des délais de conduite à bonne fin des projets qui ne cessent de s’allonger.

La simplification est plus que jamais à l’ordre du jour. Mais qui aura le courage de s’y atteler ?

Vous avez participé au dernier Congrès des maires à Paris. Quels enseignements en avez-vous tiré ?

Les maires s’interrogent sur l’opportunité d’assurer leurs missions, ils ont le sentiment d’être les poubelles de la République.

En ce qui concerne les communes faisant partie des métropoles, les maires, vu l’importance des transferts de compétences, se posent des questions sur l’opportunité de poursuivre leurs missions auprès de leurs populations respectives.

En ce qui concerne Lucciana, notre Communauté de Communes financée par la taxe additionnelle nous laisse encore un peu d’autonomie dans la gestion communale.

Quels sont les principaux enjeux auxquels il faudra répondre, l’eau, l’agriculture, le foncier ?

Au niveau de Lucciana et de Marana-Golu, l’eau ne constitue pas un problème. Si les nappes phréatiques devenaient insuffisantes, la retenue d’eau de Guazza, alimentée par le Golu, pourrait servir de solution de secours.

En ce qui concerne l’agriculture, les terres à forte valeur agronomique ont été protégées depuis le premier document d’urbanisme en 1994.

Pour le foncier, nous faisons partie des communes dans lesquelles les successions ont beaucoup progressé vu l’approche de la date fatidique de la suppression des arrêtés Miot.

Et s’agissant du prix du foncier, il ne cesse d’augmenter, c’est vrai, mais sans pour autant atteindre les niveaux des autres communes proches de Bastia.

Les gouvernements successifs promettent une loi sur le statut des maires. Qu’en espérez-vous si enfin elle était dans les tuyaux législatifs ?

Une meilleure rémunération pour des élus municipaux soumis à une astreinte permanente et une obligation de résultats tous les six ans.

*Ville-lucciana.com
**Voir par ailleurs
***Le projet d’aménagement et de développement durables ****Zone urbaine à vocation industrielle, tertiaire, artisanale et commerciale.